Monique Baujard
Théologienne, membre du comité de pilotage de Promesses d’Église
Monique Baujard
Théologienne, membre du comité de pilotage de Promesses d’Église
analyse
L’urgence de la synodalité dans l’Église
Monique Baujard, avocate de formation et théologienne, membre du comité de pilotage de Promesses d’Église, revient lors d’une conférence MCC sur le thème de la synodalité. Retour sur les points saillants de son analyse, qui fait écho à l’article qu’elle a co-signé avec Etienne Grieu dans Études (octobre 2021) : Un synode très attendu.
L’appel du pape à la synodalité
Le pape François a lancé en octobre dernier une démarche synodale, auquel il invite l’ensemble des membres de l’Église. Tout comme un dirigeant d’entreprise constatant que son cœur de métier est menacé, le pape se soucie de l’annonce de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui. Il engage au niveau de l’Église entière une véritable conduite du changement. Une première étape, en cours, d’écoute et de propositions au niveau des diocèses, sera suivie de synthèses concertées et donc différentes au niveau des grandes régions du monde, avant le synode des évêques à l’automne 2023.
La synodalité est une façon de lutter contre les obstacles qui entravent l’annonce de l’Évangile. Le plus flagrant est celui que constitue la crise des abus, qui jette une ombre sur la crédibilité même de l’Église. Dans la Lettre au peuple de Dieu (2018), le pape affirme le lien entre une manière d’exercer le pouvoir et les abus sexuels et de conscience. Il dénonce le cléricalisme comme un détournement complet du principe évangélique selon lequel le pouvoir dans l’Église doit être le service.
Mais la crise est plus profonde encore
La désaffection pour l’Église avance à grands pas dans nos sociétés, au point que la Bible n’est plus une référence culturelle pour la plupart des jeunes. Une des raisons tient à la persistance d’un mode de fonctionnement ecclésial très vertical, liant autorité et savoir, alors que l’ensemble de la société récuse ce lien et accorde davantage qu’hier de la valeur à l’intelligence collective et au savoir d’expérience. Ce qui permet de dire que la synodalité fait bien écho à notre manière d’agir dans la société civile.
Dans une Église inaudible pour la société, les laïcs deviennent son principal visage. Ils seront demain les témoins de l’Évangile à côté des prêtres de moins en moins nombreux. Le pape, pour la première fois, leur demande de partager la charge mentale de l’annonce de l’Évangile (« Occupez-vous de l’Église ! », dit-il en substance). Le synode invite donc à revisiter l’articulation entre le sacerdoce baptismal des laïcs, rappelé par le concile Vatican II, et le sacerdoce ministériel des prêtres.
“Il est possible de changer beaucoup de choses”
Les résistances existent, aussi bien du côté de certains fidèles laïcs que de certains prêtres et évêques. Mais il est possible de changer progressivement beaucoup de choses sur le terrain sans qu’il soit nécessaire de soulever des questions théologiques, au moins dans un premier temps. La position des traditionalistes peut s’expliquer par la peur des évolutions sociétales provoquant chez certains le désir que l’Église, elle, reste immuable. Or il est impensable que l’institution Église ne change pas, sauf à disparaître. Il faut aujourd’hui que l’Église ose prendre des risques, y compris celui d’une diversité de pratiques selon les cultures, pour continuer sa mission, et la démarche synodale est un moyen essentiel pour discerner et faire Église autrement.
Propos synthétisés par Christian Sauret, comité de rédaction