Nos futurs

Que faire quand tout se défait ?

Gaultier Bès

Gaultier Bès s’adresse à ses enfants et à ses lecteurs en tant que père, avant tout. Cette responsabilité l’engage à penser ce monde que l’on habite sans concession et sans céder au catastrophisme et à l’acédie d’une génération fatiguée de vivre : il s’agit de regarder l’effondrement sans frissonner et d’envisager les futurs qu’il reste à construire.

Gaultier Bès trouve un appui réconfortant chez les figures tutélaires, quasiment paternelles à leur tour, que sont Bernanos, Valéry ou Chesterton. Accompagné de ces maîtres antimodernes, l’auteur propose un aperçu historique des échecs du progrès néolibéral et de son culte (« L’Eldorado a accouché d’un surmulot ») tout en rendant hommage à ses antagonistes, depuis Ned Ludd et son geste inaugural jusqu’au Pèlerinage aux sources (1943) de Lanza del Vasto. Le constat d’un effondrement inévitable ne nous condamne pas à l’inaction. C’est là l’enseignement de Bès : il nous faut traverser cette réalité brutale en retrouvant le sens de la terre, en redéfinissant ce que vivre signifie, en cultivant le meilleur parmi les ruines grâce à la sollicitude envers le monde et à l’amitié envers les hommes. Il s’agit pour cela de défendre la vie paysanne et villageoise comme un modèle civilisationnel et d’accomplir, par un engagement terrestre et spirituel, le pari cistercien de « rajeunir le monde ». Écrivant depuis l’éco-hameau de La Bénisson-Dieu (Loire), Bès fait entendre une voix d’abord inquiète, parfois lyrique, toujours sincère. Désengagé de toute idéologie partisane et porté par la lecture des évangiles, l’auteur de Nos futurs nous rappelle avec humilité que, parmi les bêtes et les plantes, nous sommes les « poussières aimées de Dieu ».

Marc Malcor

Publié dans le numéro Etudes 4318 (Septembre 2024)