vu
Une vie cachée
Voilà un film qui nous bouleverse. Est-ce le drame d’une famille séparée par la guerre, les paysages des Alpes autrichiennes ou la beauté de la musique qui nous étreint ? La lenteur du film nous permet de comprendre progressivement le choix radical d’un homme qui résiste au nazisme au nom de sa conscience.
Franz Jägerstätter est un jeune paysan autrichien. Pendant ses classes, il est choqué par les films de propagande des Nazis qui viennent d’annexer l’Autriche. De retour dans son village, il refuse de participer à l’effort de guerre et est tenu à distance par les villageois, le maire et le curé. Refusant de se cacher dans les bois par peur de mettre en danger sa famille, il finit par accepter son incorporation et se retrouve en prison pour avoir refusé de saluer Hitler.
Malick construit son film à partir des lettres entre Franz et sa femme Fani. Ces courriers sont authentiques, témoin de ce qui reste de l’État de droit en 1943. Franz résiste aux gardiens qui rivalisent de violence, aux prisonniers désespérés, aux juges de la cour martiale et même au jeune avocat commis d’office qui cherche à le sauver. Fani assume la solitude du travail paysan, sans homme pour le labour ni pour éduquer leurs trois filles. Elle affronte l’humiliation de ses voisins, les pierres des enfants du village, les reproches de sa belle-mère…
Leurs amis ne comprennent pas la détermination du couple. Pourquoi ne pas accepter de saluer un tyran pour sauver sa famille ? Peut-on changer le cours de la guerre ? Devant le juge qui veut le condamner à mort, Franz explique qu’on peut toujours refuser le mal. Avec sa femme venue lui dire tout son amour après sa condamnation, il choisit d’aller jusqu’au bout.
Le film retrace leur chemin de la prière populaire à la méditation des psaumes, du livre de Job et des dernières béatitudes. La contemplation de la nature leur permet de résister : paysages splendides des torrents et des rivières, solidarité simple avec d’autres paysans éprouvés ou d’autres détenus, et surtout la résilience des végétaux qui résistent au froid de l’hiver ou à la sécheresse d’une cour de prison. Si le Vatican a béatifié Franz, le jury de Cannes a boudé ce film. On en ressort pourtant avec une envie de vivre et le courage de résister aux péchés structurels de notre société… Qu’adviendra-t-il de nous, par exemple, si nous restons complices de l’écocide, récemment défini par le synode d’Amazonie ?
Bertrand Hériard, aumônier national