Comme beaucoup, mon équipe Jp a vécu plusieurs réunions par visioconférence. Après une première prise de nouvelles, la deuxième était structurée autour de quatre questions. Les réponses étaient à la fois simples et profondes. Les participants avaient reçu un bel interview de Corine Pelluchon intitulé : « l’épidémie doit nous conduire à habiter le monde autrement » (Le Monde du 24 mars). Nous partageons quelques-uns de ses propos inspirants dans cet éditorial.
Qu’est-ce que cette crise m’a appris sur moi ? La plupart ont eu peur pour eux et pour les proches : peur du virus, du confinement… et aussi de la solitude. Certains se sont réfugiés à la campagne, d’autres chez leurs parents. Mais tous ont appris à savourer les choses simples, celles qui ressourcent vraiment, celles qui alimentent la vie intérieure. Parmi elles, le travail, même à distance, a retrouvé du goût et de la valeur. La réunion a donc redonné le « courage d’avoir peur » comme le disait si bien le philosophe autrichien Gunther Anders.
Qu’est-ce que la crise m’apprend sur mes proches ? Les couples se sont rapprochés, les jeunes familles ont dû s’organiser autour des enfants, les célibataires ont éprouvé leur solitude. La crise a permis de mieux percevoir les vrais amis. Le smartphone rapproche, mais la présence physique manque. L’équipe pourtant s’est projetée vers un monde où les relations auront plus de poids. Elle a saisi l’occasion « de réfléchir à ce qui est, pour chacun de nous, vraiment important, de distinguer ce dont on ne peut se passer et ce qui relève de la distraction au sens pascalien du terme ».
Quelles sont mes raisons d’espérer ? La crise économique et sociale prépare le pire et le meilleur. Certains ont dû poser des jours de congés, d’autres sont contraints – ou ont dû contraindre – au chômage partiel, tous sont interrogatifs sur l’avenir : Saurons-nous “profiter” de cette crise ou repartirons-nous comme avant ? Quelles sont les missions premières de l’entreprise ? Quels sont les métiers qui seront essentiels ? « L’espérance, c’est du désespoir surmonté » disait Bernanos.
En quoi être chrétien m’aide-t-il à surmonter cela et à aider les plus vulnérables ? Les deux questions sont liées comme les deux commandements du Christ. Dans la crise sanitaire, les plus vulnérables sont les personnes âgées. Une membre n’était pas à la réunion : son oncle était atteint. Nous avons prié pour eux. La prière unit aux petits, elle nous met tous au pied de Notre Père. Avant de lancer cette prière, j’ai conclu avec Corine Pelluchon : « Seule l’expérience de nos limites, de notre vulnérabilité et de notre interdépendance peut nous conduire à nous sentir concernés par ce qui arrive à autrui, et donc responsables du monde dans lequel nous vivons. »
Bertrand Hériard-Dubreuil, aumônier national